La méthodologie AIRE de l'association LIANA : apprendre en jouant et grandir ensemble

Une pédagogie innovante face aux réalités des jeunes et au cœur des CELFI (Centres d’Éducation, de Loisir, de Formation et d’Insertion), l’association Liana Madagasikara a conçu une approche éducative unique : la méthodologie AIRE.

Cette méthode a été pensée pour répondre aux défis quotidiens des enfants et adolescents malgaches :

• Beaucoup sont en décrochage scolaire ou n’ont jamais eu accès à l’école.

• Certains vivent dans des situations de pauvreté et d’instabilité familiale, où les besoins essentiels (sécurité, alimentation, cadre) ne sont pas toujours garantis.

• Ils manquent souvent de confiance en eux et n’ont que peu d’opportunités pour exprimer leur créativité ou découvrir leurs talents.

Face à ces réalités, AIRE propose un cadre ludique et immersif où chaque jeu devient une opportunité d’apprendre, de se construire et de développer des compétences utiles pour la vie.

Elle combine jeu, immersion et apprentissage civique pour aider les jeunes à grandir en autonomie, responsabilité et solidarité.

Elle transforme leurs jeux spontanés en moments d’apprentissage intégrant la culture locale, le respect de l’environnement et des valeurs citoyennes, tout en les préparant à ACTER, la méthodologie des adultes.

Pourquoi une nouvelle méthodologie ?

Un contexte éducatif fragile

À Madagascar, de nombreux enfants grandissent dans un environnement où l’école seule ne suffit pas à les préparer à la vie quotidienne. Souvent, l’accès à l’éducation est déjà un défi en soi :

• Les écoles peuvent être éloignées des villages, obligeant les enfants à parcourir de longues distances chaque jour.

• Les familles manquent de moyens pour acheter fournitures ou uniformes, ce qui pousse certains enfants à abandonner la scolarité.

• Dans de nombreux foyers, la priorité est la survie quotidienne : les enfants participent aux travaux agricoles, aident à la vente sur les marchés ou s’occupent des plus jeunes, sacrifiant ainsi leur temps d’apprentissage.

Cette réalité crée un vide éducatif et social : même lorsqu’ils sont scolarisés, beaucoup d’enfants ne développent pas les compétences nécessaires pour s’insérer, coopérer et se projeter vers l’avenir.

Une approche inspirée de l’éducation populaire

La méthodologie AIRE s’inspire des pratiques issues du scoutisme, des formations BAFA et plus largement de l’éducation populaire, tout en les adaptant aux réalités malgaches.

Si une partie des enfants accueillis dans les CELFI vit des situations de décrochage scolaire ou de précarité importante, ce n’est pas le cas de tous. Les centres sont également fréquentés par des enfants et jeunes issus de familles plus stables ou de classe moyenne, qui viennent chercher autre chose :

• Découvrir et valoriser leur culture,

• Partager des moments collectifs avec d’autres jeunes,

• Participer à des activités créatives et citoyennes qui complètent leur parcours scolaire classique.

Cette mixité est une force : elle favorise les échanges, la solidarité et l’apprentissage mutuel entre jeunes aux parcours très différents.

De cette réflexion est née AIRE : une méthode simple, mémorisable et efficace pour structurer toutes les activités ludiques et éducatives des CELFI, accessible à tous et enrichissante pour chacun.

Que signifie AIRE ?

AIRE est l’acronyme de Actions – Imaginaire – Règles – Espace. Chaque composante aide à concevoir une activité éducative complète, immersive et sécurisée.

La méthodologie AIRE : structurer le jeu pour apprendre autrement

AIRE est un cadre simple et efficace conçu par Liana Madagasikara pour transformer chaque activité ludique en expérience éducative complète.
Elle vise à donner du sens aux jeux tout en renforçant des compétences clés : coopération, respect, créativité, confiance en soi. Elle répond aux besoins des enfants et adolescents : apprendre en faisant, développer leur autonomie, découvrir leur culture et leur environnement, tout en intégrant les nouvelles technologies lorsque cela enrichit l’expérience.

A comme Actions : donner du rythme et du sens au jeu

Les actions sont le moteur de chaque jeu : elles transforment une activité spontanée en moment éducatif et formateur. Les enfants jouent déjà au football, à la course ou au cache-cache dans les CELFI ; AIRE leur donne une structure simple qui ajoute une dimension culturelle, écologique et collaborative.

Principes clés

• Structurer l’activité : diviser le jeu en étapes claires (préparation, déroulement, conclusion) avec des missions qui montent en intensité.

• Adapter les défis : tenir compte de l’âge et des capacités pour que chacun puisse participer et progresser sans frustration.

• Innovation simple : utiliser les ordinateurs du centre pour projeter des vidéos courtes ou affiches illustrées expliquant la mission (“Aujourd’hui, marquer un but après 3 passes” ou “Construire une cabane avec des matériaux recyclés”).

• Culture et environnement : relier les actions à des pratiques locales (porter de l’eau, peindre des motifs traditionnels, protéger un arbre sacré).

• Auto-éducation : laisser les enfants s’organiser en petits groupes, apprendre par l’observation et la transmission entre eux (les plus grands encadrent les plus petits).

• Rôle de l’adulte : facilitateur qui veille à la sécurité, encourage la dynamique et valorise les réussites sans diriger le jeu.

Exemple concret : Construire et valoriser avec des matériaux recyclés

Activité :

• Les enfants collectent papiers usés et cartons autour du centre.

• Ils fabriquent ensemble des petites maisons en carton ou objets décoratifs inspirés de l’architecture locale (toits en falafa, motifs malgaches).

• Une fois terminés, ils peignent ces créations avec des couleurs naturelles (terre, charbon, pigments simples).

• Les objets sont ensuite présentés dans le centre ou proposés comme souvenirs touristiques aux visiteurs Mikoné.

Valeur éducative :

• Actions collectives (chacun a un rôle : collecte, assemblage, peinture).

• Sensibilité environnementale (réutiliser les déchets).

• Ancrage culturel (reproduire des maisons malgaches, motifs traditionnels).

• Préparation à ACTER (valoriser un savoir-faire pouvant générer un revenu).

• Auto-organisation (les enfants décident eux-mêmes des modèles et des couleurs).

 

I – Imaginaire : plonger dans une histoire motivante

L’imaginaire transforme un simple jeu en aventure culturelle et éducative. Il donne aux enfants l’envie de s’impliquer, de créer et de découvrir leur patrimoine à travers le jeu.

Principes clés

• Créer un univers narratif local : s’inspirer des contes et légendes malgaches (zébus sacrés, esprits de la forêt, ancêtres protecteurs) ou des enjeux actuels (protection d’un arbre rare, sauvetage d’un village après un cyclone).

• Utiliser des supports numériques simples : de courtes vidéos ou audios diffusées sur les ordinateurs du CELFI pour raconter l’histoire avant le jeu ou donner des indices pendant.

• Favoriser la créativité des enfants : ils peuvent inventer la suite de l’histoire, créer des chants, dessiner des éléments de décor ou proposer des variantes.

• Relier à la culture et à l’environnement : intégrer des animaux endémiques (lémuriens, caméléons), des fêtes traditionnelles (famadihana, hira gasy) ou des paysages typiques (baobabs, rizières).

• Encourager l’auto-éducation : les enfants explorent et s’approprient le récit, tirant eux-mêmes des valeurs (entraide, courage, respect de la nature).

• Rôle de l’adulte : lanceur d’histoire et garant du cadre, il pose des repères mais laisse aux enfants la liberté de faire évoluer le récit.

Exemples d’application

1. Izay tsy mikipy tsy asiako (jeu traditionnel)

• Mise en contexte : “Vous êtes des gardiens d’un trésor sacré. Fermez les yeux, écoutez les bruits autour de vous et devinez où se cache l’objet sacré.”

• Valeur éducative : développe la mémoire, l’écoute et la concentration ; valorise une pratique ludique malgache oubliée.

• Intégration numérique : l’ordinateur peut diffuser un son immersif (bruits de nature, cloche) pour enrichir le jeu.

2. Rahosijamba (jeu patrimonial)

• Mise en contexte : “Vous incarnez une équipe chargée de défendre votre village dans une épreuve inspirée d’un jeu ancestral.”

• Valeur éducative : permet aux enfants de découvrir et préserver un patrimoine ludique ; renforce l’esprit collectif et la fierté culturelle.

• Intégration environnementale : jouer autour d’un arbre symbolique du centre pour rappeler l’importance des éléments naturels.

Pourquoi l’imaginaire est essentiel dans AIRE ?

• Il ancre les jeux dans la culture malgache et empêche la perte des pratiques traditionnelles.

• Il stimule la créativité et l’expression des enfants, même sans matériel coûteux.

• Il sensibilise à l’environnement en transformant la nature en décor narratif.

• Il prépare la transition vers ACTER : apprendre à raconter, transmettre et valoriser la culture pour, plus tard, en faire un support de formation et de revenu.

 

R – Règles : structurer et responsabiliser

Les règles donnent au jeu une structure claire et sécurisent les enfants, tout en les responsabilisant. Dans les CELFI, elles ne sont pas seulement des consignes pratiques : elles deviennent un outil de transmission des valeurs – en particulier le respect, pilier central de la culture malgache.

Principes clés

• Formuler des règles simples et visuelles :

  • Utiliser des pictogrammes ou illustrations affichées dans le centre.

  • Présenter les règles via de courtes vidéos explicatives sur ordinateur pour les rendre accessibles même aux plus jeunes.

• Immersion et narration :

  • Les règles sont intégrées dans l’histoire du jeu (ex. “Ne pas franchir la ligne, car c’est la frontière sacrée à protéger”).

  • Les enfants comprennent les règles par le récit, pas par une simple injonction.

• Sécurité et équité :

  • Les règles protègent les enfants (zones interdites, gestes non violents).

  • Elles encouragent la coopération plutôt que la compétition agressive.

• Respect et culture malgache :

  • Le respect des aînés, des personnes âgées et de la mère est rappelé dans les consignes et dans le comportement attendu pendant les jeux.

  • Les règles deviennent un moyen de vivre et transmettre les valeurs traditionnelles : politesse, entraide, humilité.

  • Dans les jeux collectifs, le respect de la nature et des ancêtres peut être intégré (ex. “Ne jamais marcher sur l’arbre sacré”, “Protéger l’espace commun”).

• Auto-éducation et implication des enfants :

  • Les enfants proposent et négocient certaines règles ensemble, apprenant ainsi à gérer les conflits et à s’auto-discipliner.

  • Un système de règles évolutives permet d’adapter le jeu selon l’âge et la dynamique du groupe.

• Rôle de l’adulte :

  • Présent comme médiateur et garant du respect mutuel et de la sécurité.

  • Encourage l’appropriation des règles par les enfants plutôt que de les imposer.

Exemple concret – Jeu traditionnel et règles de respect

Jeu : Izay tsy mikipy tsy asiako (celui qui ne ferme pas les yeux, je ne le touche pas)

• Contexte : Les enfants ferment les yeux et doivent deviner qui les touche ou leur parle.

• Règles culturelles intégrées :

  • Saluer les aînés avant de commencer.

  • Rester silencieux et concentré (respect du moment et des autres).

  • Ne pas se moquer des erreurs : chaque tentative est une opportunité d’apprendre.

• Adaptation numérique : une vidéo courte montre comment jouer et explique la symbolique du respect des anciens dans la culture malgache.

Pourquoi les règles sont essentielles dans AIRE ?

• Elles offrent un cadre sécurisant dans un espace de jeu libre.

• Elles valorisent les valeurs malgaches (respect, solidarité, humilité).

• Elles responsabilisent les enfants en leur donnant une part active dans leur création et leur respect.

• Elles préparent à la méthodologie ACTER : savoir coopérer, respecter un cadre et des engagements sera essentiel à l’âge adulte.

E – Espace : valoriser et identifier le cadre du centre

Dans la méthodologie AIRE, l’espace n’est pas juste un lieu où l’on joue : il devient un outil éducatif. Chaque zone du CELFI – cour, arbres, sable, chemins – peut être transformée en terrain d’apprentissage, mais pour cela, l’espace doit d’abord être identifié et compris par les enfants.

Principes clés

• Identifier les espaces

  • Cartographier le centre avec des repères simples : zone de jeu, zone calme, espace nature, coin des ancêtres.

  • Utiliser des pictogrammes ou des couleurs pour que tous les enfants, même non lecteurs, sachent où ils se trouvent.

  • Créer un parcours ludique où chaque zone devient une “étape” du jeu (l’arbre de la sagesse, la colline des protecteurs…).

• Sécuriser avec peu de moyens

  • Délimiter les zones à l’aide de pierres, bâtons, ficelles ou marquages simples.

  • Indiquer les zones interdites ou dangereuses (route, puits, zones glissantes) avec des signes visuels.

• Relier l’espace au jeu et à la culture

  • Chaque lieu prend un sens symbolique : un arbre devient “arbre sacré”, un banc devient “poste de repos des voyageurs”.

  • Intégrer des éléments culturels et environnementaux : baobabs, rizières, motifs traditionnels malgaches.

• Éducation environnementale

  • Sensibiliser à la protection du lieu : ne pas casser les branches, ramasser les déchets après le jeu, prendre soin des arbres.

  • Les jeux eux-mêmes deviennent des activités écologiques (collecte de feuilles, chasse aux déchets).

• Innovation simple et numérique

  • Utiliser les ordinateurs pour montrer des photos du centre et créer des cartes interactives ou défis (“Trouve l’arbre sacré et protège-le”).

  • Permettre aux enfants de photographier les espaces et de participer à la création de repères visuels.

• Auto-organisation et rôle de l’adulte

  • Les enfants participent à l’entretien et l’organisation des espaces : tracer, décorer, garder propres les zones.

  • L’adulte n’est pas un surveillant permanent mais un facilitateur qui encourage la responsabilisation des enfants.

 

AIRE, un pas vers une éducation ancrée et innovante

En adoptant la méthodologie AIRE, l’association Liana Madagasikara a choisi de réinventer l’éducation des enfants et jeunes malgaches. Plutôt que de reproduire des schémas scolaires classiques souvent inaccessibles, AIRE ouvre un chemin plus inclusif et adapté à leur réalité :

• Apprendre en jouant, avec des repères simples et motivants ;

• S’ancrer dans la culture et les traditions malgaches, en valorisant les contes, les jeux et les pratiques ancestrales ;

• Respecter et protéger l’environnement, en faisant de la nature un espace d’apprentissage ;

• Utiliser le numérique comme support pédagogique, pour raconter des histoires, illustrer les règles ou cartographier les espaces du centre ;

• Encourager l’auto-éducation et la coopération, afin que les enfants deviennent acteurs de leur propre développement.

AIRE n’est pas une finalité mais une étape vers ACTER, la méthodologie adulte des CELFI : en grandissant, ces enfants déjà sensibilisés aux valeurs de respect, d’autonomie et de créativité pourront transformer leurs talents en activités viables et participer pleinement à la vie de leur communauté et aux projets de Mikoné.

Ainsi, AIRE n’est pas qu’un cadre de jeu : c’est une porte d’entrée vers une citoyenneté active, solidaire et durable, qui prépare une génération à préserver ses racines tout en s’ouvrant aux innovations de demain.

 

ACTER : agir et transmettre pour s’insérer

ACTER est une méthodologie développée par Liana Madagasikara pour accompagner les adultes et familles dans les CELFI. Elle prolonge la pédagogie d’AIRE (enfants) et prépare à l’autonomie économique et sociale.

L’approche repose sur cinq dimensions :

• Apprentissage par l’Action : apprendre en pratiquant des activités concrètes (artisanat, agriculture, accueil touristique).

• Compétences et Confiance : identifier les talents, développer des savoir-faire et renforcer l’estime de soi.

• Transmission et Talents : partager ses connaissances et valoriser la culture locale auprès des autres et des voyageurs.

• Économie et Efficience : acquérir des bases simples pour gérer une activité viable et respectueuse des ressources.

• Réseau et Réinsertion : intégrer un réseau solidaire et s’inscrire dans une dynamique communautaire et avec Mikoné.

Objectif : transformer les savoir-faire et passions des adultes en activités génératrices de revenus durables, tout en respectant la culture et l’environnement.